La réduction du trafic routier suisse remise en cause

En votation le 24 novembre, l'élargissement des autoroutes doit permettre de fluidifier le trafic, estiment le Conseil fédéral, le Parlement, les cantons et le camp bourgeois. Le soulagement ne sera que temporaire, avec des autoroutes à nouveau saturées en dix ans, contrent des organisations environnementales et la gauche.

Des voitures provoquent un bouchon en quittant l'autoroute dans le canton de Genève. © KEYSTONE/Salvatore Di Nolfi

"Extrêmes, surdimensionnés, dépassés, nocifs pour le climat, excessivement coûteux": le comité référendaire contre les projets de développement autoroutier ne mâche pas ses mots pour critiquer les "méga-autoroutes". L'Association transports et environnement (ATE) et l'organisation actif-trafiC mènent la fronde. Elles sont soutenues par les Vert-e-s, le PS et le PVL, ainsi que par une cinquantaine d'organisations de protection de la nature et du climat.

Qualité de vie

L'argument principal réside dans le fait que ces développements autoroutiers permettront d'éliminer les goulets d'étranglement et de désengorger le trafic. L'enjeu est de mettre à niveau les routes nationales pour répondre aux besoins de mobilité et à l'évolution démographique.

Sur le long terme, les projets accroitront encore le nombre de voitures sur les autoroutes, oppose le comité référendaire. Ajouter des voies ne résout pas le problème des bouchons ; au contraire, toute extension de la capacité d'une route amène de nouveaux automobilistes à utiliser l'infrastructure, selon le phénomène du trafic dit "induit".

Ce trafic "induit" aggravera le trafic d'évitement, ce qui conduira à davantage de pollution et de nuisances sonores dans les localités concernées, pour les opposants. De plus, les projets nécessiteront "des chantiers gigantesques, sur des décennies", ce qui perturbera le trafic sur de longues périodes.

Une circulation plus fluide sur l'autoroute permettra de réduire le trafic d'évitement actuel dans les villes et communes environnantes, contrent les partisans. Cela mènera donc à davantage de sécurité et à une meilleure qualité de vie pour les riverains.

Route et rail

Le comité référendaire dénonce également une transformation "irréversible" du paysage, ainsi que la perte de terres agricoles. Huit hectares de surfaces d'assolement seront perdus en raison des projets, "c'est grave pour les personnes concernées", concède le ministre des transports Albert Rösti.

Mais d'autres surfaces avec la même qualité leur seront données à titre de compensation. M. Rösti estime en outre qu'il est dans leur intérêt de soutenir les projets, afin d'améliorer le transport des animaux, des engrais ou des produits destinés à la transformation.

Les opposants avancent encore que les projets vont à l'encontre des objectifs climatiques. Le trafic routier en Suisse est aujourd'hui déjà responsable de près d'un tiers de toutes les émissions de CO2. D'ici à ce que les projets concernés soient réalisés, à l'horizon 2040, les voitures individuelles seront davantage électriques, répond le conseiller fédéral.

Les quelque cinq milliards prévus devraient plutôt être investis dans la transition énergétique ou le rail, demandent les opposants. Ils critiquent d'autant plus les montants en jeu dans le contexte actuel des débats concernant les finances fédérales.

Les différents modes de transport doivent se compléter et non s'opposer, rétorquent les partisans. D'après eux, la réduction du trafic d'évitement dans les localités bénéficiera aussi aux transports publics ainsi qu'à la livraison de marchandises.

Total de 5,3 milliards

Les six projets sont devisés à 4,9 milliards de francs. S'ajoutent encore 300 millions pour la planification d'autres projets et 52 millions pour un projet dans le Glattal (ZH). Au total, ce sont 5,3 milliards qui sont en jeu.

Les travaux ne grèveront pas les finances fédérales. Ils seront financés par le Fonds pour les routes nationales et le trafic d'agglomération (FORTA), alimenté par la surtaxe sur les carburants, l'impôt sur les importations d'automobiles ou encore la vignette autoroutière.

Ainsi, "les usagers de la route financent eux-mêmes les routes. Aucun franc destiné aux transports publics ne sera versé pour les routes", souligne M. Rösti. L'issue du vote est encore incertaine. Les premiers sondages prédisent la victoire au conseiller fédéral. Mais de justesse. La Suisse romande dirait non au projet.

ATS
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